Communiqué de presse du 6 avril 2017
La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a rendu son arrêt dans les 3 affaires A.P., Garçon et Nicot c. France ce jeudi 6 avril 2017. La CEDH confirme sa position sur l’interdiction de la condition de stérilité pour le changement d’état civil conformément à ce qu’elle avait annoncé dans son arrêt du 10 mars 2015 dans l’affaire Y.Y. c. Turquie :
- « La Cour a notamment jugé que le fait de conditionner la reconnaissance de l’identité sexuelle des personnes transgenres à la réalisation d’une opération […] stérilisant[E] qu’elles ne souhaitent pas subir revient à conditionner le plein exercice du droit au respect de la vie privée à la renonciation au plein exercice du droit au respect de l’intégrité physique. »
Dans l’opinion dissidente du juge Ranzoni, nous pouvons lire que :
- « La conclusion de violation de l’article 8 de la Convention dans la présente affaire a en fait pour conséquence qu’afin d’éviter de futures violations de cette disposition, 22 États membres devront modifier leur législation et supprimer l’exigence de stérilisation pour la reconnaissance juridique de l’identité de genre des personnes transgenres ; sans oublier les sept États membres dans lesquels aucune possibilité n’existe actuellement de faire reconnaître juridiquement cette identité »
En revanche la Cour estime qu’il en revient à la « marge d’appréciation » des états de médicaliser, de psychiatriser ou d’ordonner des triples expertises lors de la procédure pour obtenir une modification de la mention du sexe à l’état civil :
- « S’agissant de la condition de réalité du syndrome transsexuel posée par le droit français pour faire droit aux demandes de changement de sexe […] ne met pas directement en cause l’intégrité physique des individus. […] La Cour conclut qu’il n’y a pas eu à cet égard violation de l’article 8. »
- « S’agissant enfin de l’obligation de subir un examen médical […] la Cour reconnaît aux États parties une large marge de manœuvre. La Cour retient que, même si l’expertise impliquait un examen de l’intimité génitale, l’ampleur de l’ingérence potentielle dans l’exercice de son droit au respect de sa vie privée mérite d’être significativement relativisée. […] Il n’y a donc pas eu violation de l’article 8 à cet égard. »
Bien que nous nous réjouissions de l’interdiction de la condition de stérilité pour obtenir un changement d’état civil, nous restons étonné-e-s que la Cour estime que les états puissent ordonner des expertises judiciaires qui visent « l’intimité génitale » des personnes trans ce qui entre en contradiction avec la condamnation et laisse une « marge d’appréciation » importante sur l’interprétation de cet arrêt.
Nous tenons à saluer le courage et la détermination des trois requérantes qui se sont servi de leurs dossiers individuels pour faire avancer la jurisprudence européenne ainsi que la loi française qui, au final, est plus progressiste que l’arrêt de la CEDH en ayant supprimé toute exigence de traitements médicaux pour le changement d’état civil (alinéa 3 de l’article 61-6 du Code Civil).
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Retours presse :
http://yagg.com/2017/04/06/sterilisation-des-personnes-trans-la-cedh-condamne-la-france-mais-a-minima/
http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/04/06/la-cedh-condamne-la-france-pour-les-obligations-imposees-aux-transgenres-pour-changer-d-etat-civil_5106895_3224.html
http://www.liberation.fr/direct/element/la-cedh-condamne-la-france-pour-avoir-conditionne-le-changement-de-sexe-a-letat-civil-a-une-transfor_61270/