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(CP) Changement d’état civil : l’avis de l’avocat général de Montpellier contre l’avis du ministre J.J. Urvoas

Communiqué de presse du mercredi 21 décembre 2016


Le 18 avril 2016, nous envoyâmes un communiqué1 pour dénoncer le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 24 mars 2016 qui refuse le changement d’état civil à Flora* sous prétexte qu’elle n’a pas une « impossibilité définitive de procréer dans son sexe d’origine ». Le tribunal a aussi tenté de décourager Flora avec des tracasseries administratives comme nous l’avions déjà dénoncé dans le communiqué précédent alors qu’elle est actuellement sans emploi et sans revenus pour vivre. Elle a absolument besoin de son changement d’état civil afin de trouver un emploi sans être discriminée à l’embauche parce que son état civil ne correspond pas à son genre. Flora a fait appel et la loi dite de modernisation de la justice du XXIème a été publiée au journal officiel.

Lors des débats législatifs, le ministre de la justice J.J. Urvoas a clairement précisé lors de la séance plénière du jeudi 19 mai 2016 en première lecture à l’assemblée nationale consacrée au projet de loi de modernisation de la justice du XXIème siècle que « la réunion d’une série de faits énumérés à titre indicatif permet selon la méthode du faisceau d’indices d’établir »2 la preuve du critère précisé dans l’article 61-5 du Code Civil, c'est-à-dire de se présenter et d’être connu dans le sexe revendiqué. Lors de la commission des lois du mercredi 29 juin 2016 consacrée au même projet de loi, la députée Pascale Crozon rappelle « par ailleurs que ces faits ne sont pas cumulatifs »3. Enfin, lors de la 1ère séance plénière du 12 juillet 2016 à l’Assemblée Nationale, le député Sergio Coronado ajoute : « les éléments de preuve pouvant être apportés par tous moyens par la personne, et énumérés dans le même article, ne peuvent être cumulatifs »4. Il est donc clairement de la volonté du législateur que les « principaux de ces faits » ne représentent pas une liste cumulative, de plus, selon Caroline Siffrein-Blanc, maitre de conférence à la Faculté de Droit et de Science Politique de Aix Marseille, dans son ouvrage « La parenté en droit civil français : Étude critique » en 2009, écrit à la page 208 : « Ainsi, même si un faisceau d’indices suppose la convergence de plusieurs éléments, la Cour de cassation se contente de peu et admet la constatation d’un seul élément qui aura convaincu le juge ».

Comme cela est précisé dans l’article 61-5, les « faits » « peuvent être », la liste qui suit n’est pas une liste dont il faut apporter la preuve de tous les éléments mais une liste indicative des éléments que le ou la requérant-e peut apporter pour démontrer le critère de l’article 61-5 selon l’idée de la possession d’état, puisque c’est de cela dont il s’agit en s’inspirant de la méthode du faisceau d’indices.

Pourtant, les conclusions du Ministère Public en Matière Civile représenté par le substitut général Laurent Bebon du 13 décembre 2016 pour Monsieur le Procureur Général Près la cour d’appel de Montpellier précisent « à supposer réunies les deux premières conditions, la présente demande de Flora ne peut aboutir qu’à la condition préalable que l’intéressé ait obtenu le changement de son prénom, ce qui n’est pas le cas ». M. Bebon fait référence au troisièmement de la liste indicative de l’article 61-5 du code civil. En faisant cela, M. Bebon va à l’encontre des propos du ministre de la justice J.J. Urvoas, contre les propos des députés Pascale Crozon et Sergio Coronado et tout simplement contre la loi qui dispose que cette liste n’est pas une liste cumulative. En reconnaissant que les conditions du premièrement et du deuxièmement sont réunies, M. Bebon devrait tout simplement appliquer la loi et donner un avis favorable à la requête de Flora.

Nous dénonçons la prise de position inacceptable du Ministère Public qui vise à empêcher Flora d’obtenir son changement d’état civil sous prétexte qu’elle n’est pas stérilisée, comme le souhaitait le tribunal de grande instance de Montpellier et peut être M. Bebon. Cette prise de position semble aussi être un message lancé à la Cour de cassation dans l’optique d’un futur arrêt.

Télécharger l'avis de l'avocat général

* Le prénom a été modifié

1 : http://www.acthe.fr/actualites/167--cp-changement-d-etat-civil-violences-institutionnelles.html
2 : http://videos.assemblee-nationale.fr/video.3953566_573db738be34d.2eme-seance--lutte-contre-le-crime-organise-et-garanties-procedure-penale-cmp--modernisation-de--19-mai-2016 à 4:03:50
3 : http://videos.assemblee-nationale.fr/video.4104583_577376fb85cac.commission-des-lois--justice-du-xxieme-siecle-nouvelle-lecture-29-juin-2016 à 2:12:14
4 : http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2015-2016-extra/20161010.asp