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[CP] « Ta mère la pute » ne serait ni du sexisme ni de la transphobie selon la Cour d’appel de Paris

Communiqué de presse du 8 octobre 2015

Dans l'affaire qui oppose E.Y. contre la SAS X. dans l'arrêt du 4 juin 2015 pôle 6, chambre 5, n° 12/08519 de la Cour d'appel de Paris, les insultes « Ta mère la pute » pour qualifier la mère de E.Y. ainsi que sa grand-mère et ensuite « bâtard » ne seraient pas à caractère sexiste. La cour précise « les injures proférées par [Z.] n'avaient même pas un caractère sexiste si l'on en croit le propre récit qu'en a fait à l'époque [Z.] dans sa lettre du 5 mars 2009, puisqu'il aurait employé les termes de 'ta mère la pute', usant ensuite du même qualificatif à l'égard de sa grand-mère, puis aurait traité [E.Y.] de 'bâtard' ; que ces insultes inadmissibles sur un lieu de travail qui constituaient une véritable provocation de sa part n'étaient pour autant pas ciblées sur le transsexualisme de son collègue, si bien que rien ne peut rattacher les faits reprochées dans la lettre de licenciement à un motif discriminatoire et encore moins à un fait de vie privée ». La Cour d’appel de Paris déboute ensuite E.Y. de ses demandes en infirmant le jugement du 10 juillet 2012 du conseil de prud'hommes qui donnait raison à E.Y..

Selon le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans son rapport Le sexisme dans le monde du travail du 6 mars 2015, le sexisme ordinaire peut être défini comme « l'ensemble des attitudes, propos et comportements, liés aux rôles stéréotypés attribués par la société aux femmes et aux hommes, qui ont pour objet ou pour effet de les délégitimer, de les inférioriser, et de les déstabiliser de façon insidieuse. (…) Tel sera notre champ d'analyse : les blessures infinitésimales, l'infiniment petit de la domination, pour reprendre les mots de Bourdieu, les micro-attaques qui excluent sans choc délibérément frontal et laissent donc l'agressé dépourvue des moyens de rétorsion ou de contre-attaque connue ». Les mêmes mécanismes sont présents dans la transphobie ordinaire.

L'insulte trop courante « Ta mère la pute » est par son existence même la manifestation du sexisme réduisant automatiquement les mères au statut de « pute », ce n'est même plus du sexisme ordinaire c'est du sexisme hostile laissant la personne agressée dépourvue des moyens de rétorsion ou de contre-attaque connue. Quand bien même l'insulte ne vise pas directement E.Y., elle vise sa mère et indirectement son ou ses enfants, soit E.Y.

Dire que ces insultes ne sont pas transphobes selon l'article 225-1 du code pénal – discrimination selon l'identité sexuelle - c'est profiter du flou des définitions pour nier une réalité trop présente que sont les discriminations liées à la transidentité. Il faudrait plutôt se poser la question de savoir si ces insultes auraient été proférées dans la même situation en remplaçant la personne transidentitaire par une personne non transidentitaire.

La légitime défense requiert que les moyens de défense employés soient proportionnés à la gravité de l'infraction, comment mesurer la gravité du sexisme ordinaire, du sexisme hostile, de la transphobie ordinaire et de la transphobie hostile ?

Ce genre d'arrêt de la Cour d'appel de Paris n'encourage en rien les personnes transidentitaires à se défendre juridiquement face à des agressions, alors que 85% des personnes trans disent avoir été victime de transphobie et seulement 3.3% osent porter plainte selon l'étude La Transphobie de Juillet 2014 réalisé pour le Comité IDAHO.

Nous dénonçons ces discriminations et le laisser-aller de la magistrature devant le parti pris de tels juges se laissant aller à leurs convictions et préjugés personnels.

Signataires : Acthe, Flag !, FièrEs, Arf - Action Radicale Féministe collectif féministe basé sur l’ENS Ulm, Bi'Cause