Retour en arrière pour les droits des Trans : La cour de Cassation publie un arrêt plus restrictif que celui de 1992 sur les changements d'état civil.
Communiqué de presse du 12 juin 2012
Ce 7 juin dernier, la cour de cassation vient de publier un arrêt sur la question du changement d'état civil dans l'affaire qui a débuté en 2008, opposant S. (prénom modifié) à la France.
S. se dit femme d'origine transsexuelle, opérée en 2008 par le Dr Suporn en Thaïlande, elle commence alors une procédure de changement d'état civil auprès du tribunal de grande instance de Paris. Afin de se conformer aux exigences posées par la jurisprudence depuis 1992, elle apporte toutes les preuves de ses opérations chirurgicales ainsi que des certificats de médecins français qui confirment ces opérations. Malgré toutes ces preuves et l'évidence de son intégration en tant que femme dans la société, les juges ordonnent une triple expertise que S. juge tant inutile que dégradante et humiliante. Sentiment partagé par de nombreuses personnes trans qui témoignent régulièrement du mépris et de l'abus de certain-e-s expert-e-s nommé-e-s par le tribunaux. Ces situations dégradantes sont d'ailleurs dénoncées par les recommandations européennes et en particulier le document thématique de Thomas Hammarberg, ancien commissaire aux droits de l'Homme. A ce titre S. refuse de se soumettre à ces expertises qui ne sont que l'expression de la volonté d'un Etat de vérifier la stérilité des personnes trans qui souhaitent obtenir un changement d'état civil. Cette position a été confirmée par le ministère de la Justice le 30 décembre 2010 : « le caractère irréversible peut résulter de l'hormonosubstitution, ce traitement gommant certains aspects physiologiques, notamment la fécondité » .
S. sera déboutée par la cour d'appel de Paris le 23 septembre 2010, elle saisira alors la cour de cassation qui publie son arrêt le 7 juin 2012.
La lecture de cet arrêt montre un retour en arrière pour les droits des personnes trans. En effet, la jurisprudence de la cour de cassation suite à la condamnation de la France par la cour européenne des droits de l'Homme du Conseil de l'Europe en 1992 stipulait :
- « la réalité du syndrome transsexuel ne pouvait être établie que par une expertise judiciaire », étant toutefois précisé que l’expertise était dans cette espèce sollicitée par le demandeur, qu’elle ne lui avait pas été imposée. La circulaire du 14 mai 2010 du ministère de la justice allait dans ce sens en ne sollicitant les triples expertises qu'en cas de « doute sérieux » ;
- la personne devait avoir subi « un traitement médico-chirurgical », « dans un but thérapeutique », ayant pour effet qu’elle « ne possède plus tous les caractères de son sexe d'origine » ;
- elle devait avoir une « apparence physique la rapprochant » du sexe revendiqué ;
- enfin, son « comportement social » devait correspondre à celui du sexe revendiqué.
Aujourd'hui ce nouvel arrêt vient renforcer une position conservatrice et creuse le fossé entre les pratiques de la justice française et le respect des droits fondamentaux humains :
- « pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, la personne doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence [...] le certificat faisant état d'une opération chirurgicale effectuée en Thaïlande était lapidaire [...] que S. opposait un refus de principe à l'expertise ordonnée par les premiers juges [...] que le moyen n'est pas fondé »
Selon la cour de cassation, l'expertise est nécessaire pour prouver l'irréversibilité de la chirurgie de réassignation effectuée en Thaïlande, par ce biais, la cour impose la stérilisation et vient renforcer les ordonnances de triple expertise.
Cela ne peut que suivre la logique d'une pratique eugénique, condamnable par la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales (CESDH). Cela renforce aussi les pratiques dégradantes et humiliantes telles que les triples expertises, condamnables aussi par la CESDH. Alors que la jurisprudence qui avait déjà plus de 20 ans et était jugée depuis plusieurs années comme dépassée et trop restrictive, nous assistons à la publication par la cour de cassation d'un arrêt lapidaire encore plus restrictif.
S. va saisir la cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg et compte dénoncer à l'international la jurisprudence française sur cette question qui relève des droits humains fondamentaux.
Associations co-signataires :
Informations et Dialogues sur les Transidentités
SOS Homophobie
Acceptess-T
C'est Pas Mon Genre ! Groupe Trans de Lille
Communiqué de presse du 12 juin 2012
Ce 7 juin dernier, la cour de cassation vient de publier un arrêt sur la question du changement d'état civil dans l'affaire qui a débuté en 2008, opposant S. (prénom modifié) à la France.
S. se dit femme d'origine transsexuelle, opérée en 2008 par le Dr Suporn en Thaïlande, elle commence alors une procédure de changement d'état civil auprès du tribunal de grande instance de Paris. Afin de se conformer aux exigences posées par la jurisprudence depuis 1992, elle apporte toutes les preuves de ses opérations chirurgicales ainsi que des certificats de médecins français qui confirment ces opérations. Malgré toutes ces preuves et l'évidence de son intégration en tant que femme dans la société, les juges ordonnent une triple expertise que S. juge tant inutile que dégradante et humiliante. Sentiment partagé par de nombreuses personnes trans qui témoignent régulièrement du mépris et de l'abus de certain-e-s expert-e-s nommé-e-s par le tribunaux. Ces situations dégradantes sont d'ailleurs dénoncées par les recommandations européennes et en particulier le document thématique de Thomas Hammarberg, ancien commissaire aux droits de l'Homme. A ce titre S. refuse de se soumettre à ces expertises qui ne sont que l'expression de la volonté d'un Etat de vérifier la stérilité des personnes trans qui souhaitent obtenir un changement d'état civil. Cette position a été confirmée par le ministère de la Justice le 30 décembre 2010 : « le caractère irréversible peut résulter de l'hormonosubstitution, ce traitement gommant certains aspects physiologiques, notamment la fécondité » .
S. sera déboutée par la cour d'appel de Paris le 23 septembre 2010, elle saisira alors la cour de cassation qui publie son arrêt le 7 juin 2012.
La lecture de cet arrêt montre un retour en arrière pour les droits des personnes trans. En effet, la jurisprudence de la cour de cassation suite à la condamnation de la France par la cour européenne des droits de l'Homme du Conseil de l'Europe en 1992 stipulait :
- « la réalité du syndrome transsexuel ne pouvait être établie que par une expertise judiciaire », étant toutefois précisé que l’expertise était dans cette espèce sollicitée par le demandeur, qu’elle ne lui avait pas été imposée. La circulaire du 14 mai 2010 du ministère de la justice allait dans ce sens en ne sollicitant les triples expertises qu'en cas de « doute sérieux » ;
- la personne devait avoir subi « un traitement médico-chirurgical », « dans un but thérapeutique », ayant pour effet qu’elle « ne possède plus tous les caractères de son sexe d'origine » ;
- elle devait avoir une « apparence physique la rapprochant » du sexe revendiqué ;
- enfin, son « comportement social » devait correspondre à celui du sexe revendiqué.
Aujourd'hui ce nouvel arrêt vient renforcer une position conservatrice et creuse le fossé entre les pratiques de la justice française et le respect des droits fondamentaux humains :
- « pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, la personne doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence [...] le certificat faisant état d'une opération chirurgicale effectuée en Thaïlande était lapidaire [...] que S. opposait un refus de principe à l'expertise ordonnée par les premiers juges [...] que le moyen n'est pas fondé »
Selon la cour de cassation, l'expertise est nécessaire pour prouver l'irréversibilité de la chirurgie de réassignation effectuée en Thaïlande, par ce biais, la cour impose la stérilisation et vient renforcer les ordonnances de triple expertise.
Cela ne peut que suivre la logique d'une pratique eugénique, condamnable par la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales (CESDH). Cela renforce aussi les pratiques dégradantes et humiliantes telles que les triples expertises, condamnables aussi par la CESDH. Alors que la jurisprudence qui avait déjà plus de 20 ans et était jugée depuis plusieurs années comme dépassée et trop restrictive, nous assistons à la publication par la cour de cassation d'un arrêt lapidaire encore plus restrictif.
S. va saisir la cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg et compte dénoncer à l'international la jurisprudence française sur cette question qui relève des droits humains fondamentaux.
Associations co-signataires :
Informations et Dialogues sur les Transidentités
SOS Homophobie
Acceptess-T
C'est Pas Mon Genre ! Groupe Trans de Lille