Dans la mesure où cette PPL CEC a été (encore une fois) abandonnée et ne sera pas débattue dans l'hémicyle, nous rendons publique la lettre ouverte que nous avons écrite aux député-e-s.
Mesdames et Messieurs les député-e-s,
Nous, associations trans, avec nos allié-e-s des associations LGBT et de santé, avons pris connaissance de votre proposition de loi (PPL) relative à la modification de la mention du sexe à l’état civil. Nous vous remercions d’avoir pris conscience de la nécessité de réformer le changement d’état civil (CEC).
Comme vous le soulignez, la « procédure jurisprudentielle est inadaptée ». De nombreuses jurisprudences sur le CEC viennent en effet prouver l’inégalité de traitement sur le territoire. Et la France a beaucoup de retard sur ce sujet, notamment vis-à-vis de pays tels que l’Argentine, le Danemark, la Norvège, Malte et bien d’autres encore. D’ailleurs, la France est menacée d’une condamnation par la Cour européenne des droits de l’Homme sur le CEC.
Dans ce contexte, et alors que la réforme du CEC était une promesse du candidat François Hollande en 2012, nous considérons que cette PPL constitue une base de travail sur laquelle nous souhaitons nous investir. Nous partageons vos constats sur la nécessité de réforme en faveur de la simplification, de la gratuité et de la rapidité de la procédure, ainsi que sur sa démédicalisation. Nous souhaitons néanmoins vous faire part de quelques suggestions afin que la procédure mise en place soit pleinement conforme aux objectifs que vous annoncez.
Vous trouverez en pièce jointe quelques commentaires d’ordre général ainsi que des propositions d’amendements concrètes.
Espérant que nos propositions rencontrent un écho favorable, et restant à votre disposition pour échanger plus avant, nous vous prions d’agréer, Mesdames, Messieurs les député-e-s, l’expression de nos sentiments les meilleurs.
Plusieurs développements contenus dans l’exposé des motifs ont retenu notre attention. Nos organisations partagent pleinement vos analyses sur la procédure jurisprudentielle que vous qualifiez d’« inadaptée » : elles correspondent en tout point à nos constats. En revanche, sur d’autres paragraphes de l’exposé des motifs, nous souhaitons vous faire part de nos commentaires sur ce qui pourrait apparaitre comme des erreurs ou des approximations.
Tout d’abord, nos organisations sont attachées à ce que les termes de « transidentité » et de « personnes transidentitaires » soient privilégiés. Notre position s’inscrit en conformité de l’avis de la CNCDH du 27 juin 2013 qui précise que « le terme de « transidentité » exprime le décalage que ressentent les personnes transidentitaires entre leur sexe biologique et leur identité psychosociale ou « identité de genre ». Cette notion englobe plusieurs réalités, parmi lesquelles celles des transsexuels qui ont bénéficié d’une chirurgie ou d’un traitement hormonal de réassignation sexuelle, celle des transgenres pour lesquels l’identité de genre ne correspond pas au sexe biologique et qui n’ont pas entamé de processus médical de réassignation sexuelle ; celle enfin des queer qui refusent la caractérisation binaire homme/femme. Pour désigner l’ensemble de ces personnes, la CNCDH a choisi d’employer les termes génériques de « transidentité » et de « personnes transidentitaires » ».
De même, le terme de « conviction » employé dans l’exposé des motifs de la PPL pour désigner les personnes comme des personnes qui « éprouvent la conviction d’être nées dans le mauvais corps » nous semble inapproprié car la conviction relève de la croyance, ce qui peut renvoyer à la psychiatrie. Nous vous proposons d’employer plutôt les termes suivants : la personne « se détermine comme étant du genre ou du sexe revendiqué. »
Ensuite, nous attirons votre attention sur le fait que ce n’est pas la transidentité qui génère « dans la plupart des cas de profondes souffrances psychologiques, notamment traduites par un taux de suicide estimé à 34% par une enquête associative en France. », mais que ce sont plutôt les préjugés, le sexisme et la transphobie qui entrainent des discriminations.
Aussi, il nous semblerait opportun de présenter la situation de la manière suivante : les difficultés telles que les préjugés, le sexisme et la transphobie, rencontrées par les personnes transidentitaires, génèrent, dans la plupart des cas, de profondes souffrances psychologiques, notamment traduites par un taux de tentatives de suicide estimé à 34% par une enquête associative en France.
Par ailleurs, nous considérons, au regard de votre volonté de démédicaliser la procédure, que certains mots ne sont pas appropriés comme le mot « discordance » qui renvoie au terme psychiatrique du « syndrome dissociatif » qui est une schizophrénie. Par conséquent il serait malvenu d’utiliser un terme psychiatrique pour désigner une réalité transidentitaire. Nos organisations privilégient le terme de « décalage ».
Enfin, en ce qui concerne l’évolution du droit international et les exemples étrangers, il nous semblerait nécessaire de mentionner la résolution du Parlement européen du 28 septembre 2011 sur les droits de l’homme, l’orientation sexuelle et l’identité de genre aux Nations unies :
« - Le 28 septembre 2011, le Parlement européen adopte une résolution sur les droits de l’Homme, l’orientation sexuelle et l’identité de genre aux Nations unies. Son article 11 dispose que « le parlement européen regrette que les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres ne soient pas toujours pleinement respectés au sein de l’Union, y compris le droit à l’intégrité physique ». Son article 13 dispose que « le parlement condamne fermement le fait que l’homosexualité, la bisexualité et la transsexualité soient encore perçus par certains pays, y compris au sein de l’Union, comme des maladies mentales et appelle les différents Etats à lutter contre ce phénomène ; demande en particulier la dépsychiatrisation du parcours transsexuel, transgenre, le libre choix de l’équipe soignante, la simplification du changement d’identité et une prise en charge des coûts par la sécurité sociale. » »
De même, qu’il conviendrait, pour un exposé rigoureux de l’environnement juridique européen, de faire état de la résolution 2048 relative à la discrimination à l’encontre des personnes transgenres en Europe, adoptée le 22 avril 2015, par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Elle propose en effet une base pertinente à la proposition de loi, dans ses articles 6.2.1. et 6.2.2 selon lesquels : « l’Assemblée appelle les Etats membres à instaurer des procédures rapides, transparentes et accessibles, fondées sur l’autodétermination, qui permettent aux personnes transgenres de changer de nom et de sexe sur les certificats de naissance, les cartes d’identité, les passeports, les diplômes et autres documents similaires ; à mettre ces procédures à la disposition de toutes les personnes qui souhaitent les utiliser, indépendamment de l’âge, de l’état de santé, de la situation financière ou d’une incarcération présente ou passé ; à abolir la stérilisation et les autres traitements médicaux obligatoires, ainsi que le diagnostic de santé mentale, en tant qu’obligation juridique préalable à la reconnaissance de l’identité de genre d’une personne dans les lois encadrant la procédure de changement du nom et du genre inscrits à l’état civil ; ».
Amendement 1 :
A l’alinéa 4 de l’article unique, remplacer « à l'expérience intime de son identité et au sexe dans lequel elle est perçue par la société » par « au genre ou au sexe revendiqué ».
La référence « l'expérience intime de son identité » ou au « sexe dans lequel (la personne) est perçue par la société » relèvent de préjugés et de stéréotypes. Le présent amendement propose de se référer « au genre ou au sexe revendiqué », davantage en conformité avec les réalités vécues par les personnes concernées, telles que rapportées d’ailleurs par plusieurs rapports institutionnels1.
Une telle reformulation serait en effet conforme au rapport présenté par la Commission européenne « Les personnes trans et intersexuées – La discrimination fondée sur le sexe, l’identité de genre et l’expression de genre envers » du 29 juin 2011 (page 13 et 14) selon lequel : « Les stéréotypes portant sur le genre jouent également un rôle important dans l’aliénation et la marginalisation des trans et des intersexués. En fait, les stéréotypes fondés sur le genre qui favorisent une forme particulière de « masculinité » en rapport avec les hommes et une forme particulière de « féminité » en rapport avec les femmes exposent de nombreux trans et intersexués à une discrimination institutionnalisée. En plus du préjudice découlant du modèle binaire de genre, les trans et les intersexués sont victimes de transphobie et d’interphobie, c'est-à-dire de croyances culturelles et personnelles, d’opinions, d’attitudes et de comportements fondés sur des préjugés ou le dégoût, la crainte et/ou la haine des trans et des intersexués ou dirigés contre les variations de sexe, d’identité de genre et d’expression de genre. La transphobie et l’interphobie institutionnelles se manifestent à travers les sanctions imposées par la loi et le caractère juridiquement consacré au système de genre binaire, la pathologisation des identités trans et des corps intersexués et l’inexistence ou inadéquation des mécanismes de lutte contre la violence et la discrimination. La transphobie sociale se manifeste sous la forme de violence physique ou autre, de discours de haine, de discrimination, de menaces, de marginalisation, d’exclusion sociale, d’ « exotisation », de ridiculisation et d’insultes. ».
La reformulation proposée serait également cohérente avec le rapport de la Commission sur l’égalité et les droits humains, intitulé “Trans research view” de 2009, qui souligne (section 3.3 « Causes of transphobia », page 35) :
« It was not possible within the scope of this review to consider all of the sociological and psychological literature addressing the cause of transphobia. Such work generally considers that prejudice can be linked to sexism, the associated definition of rigid gender roles and behavior linked to sex, and the discomfort that some people feel in terms of their sexual orientation when they cannot ascribe a fixed gender identity to a person. ».
De façon plus générale, la seconde condition de l’article 61-5 qui fait référence à la manière dont est perçue la personne trans par la société renvoie au jugement douteux lié au « passing » des personnes transidentitaires favorisant ainsi les discriminations.
Au surplus, ni la résolution 1728 du Conseil de l’Europe, ni les avis de la HALDE notamment celui du 15 septembre 2008, ni l’avis de la CNCDH du 27 juin 2013 ne fait une quelconque référence à « la condition de sexe perçu par la société » ou « dès lors qu’ils sont perçus comme appartenant au sexe revendiqué » ou toute notion s’y apparentant.
Enfin, dans l’exposé des motifs de la PPL, le mot « discordance » renvoie à un terme psychiatrique, comme nous l’avons développé précédemment. Par ailleurs, après vérification, il n’est jamais fait mention de la « discordance avec l’expérience intime de l’identité » pour définir la transidentité, y compris dans les documents relatifs à la prise en charge médicale, que cela soit dans le DSM5, dans la CIM10 ou encore dans les Standard of Cares v7 de la WPATH. La définition retenue aujourd’hui par le Conseil de l’Europe, dans sa résolution 1728 du 29 avril 2010, est la suivante : « Une personne transgenre est quelqu’un dont l’identité de genre ne correspond pas au genre qui lui a été assignée à sa naissance ».
Amendement 2 :
A l’alinéa 4 de l’article unique, supprimer « majeure ».
La suppression du mot "majeure" permet d'inclure les personnes mineures dans cette loi, dans l'intérêt supérieur de l'enfant et conformément notamment à la résolution 2048 du Conseil de l'Europe qui appelle, à propos des "procédures de changement de prénom et de sexe, "à mettre ces procédures à la disposition de toutes les personnes qui souhaitent les utiliser, indépendamment de l’âge". Le CEC est d’ailleurs déjà accessible aux personnes mineures dans le système actuel. Cette disposition peut concerner des personnes mineures intersexes et trans. La modification de l’acte de naissance d’une personne mineure pourrait alors être demandée par ses représentants légaux, avec son consentement. Un article pourrait être ajouté pour préciser la possibilité pour le juge d'ordonner la modification de l’état civil d’un mineur, dès lors que cette modification est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant, nonobstant l'opposition des représentants légaux.
Amendement 3 :
A l’alinéa 5 de l’article unique, remplacer « territorialement compétent » par « du lieu de naissance ou de résidence »
Alors que la version actuelle de l’article propose de remettre la demande de changement d’état civil au procureur de la République « territorialement compétent », l’amendement vise à élargir en permettant d’engager la démarche en fonction « du lieu de naissance ou de résidence ».
Aujourd’hui, les personnes trans, pour les démarches de changement d’état civil, ont la possibilité de choisir entre le tribunal du lieu de naissance et celui de leur résidence. Ce choix est essentiel au regard de la diversité territoriale des interprétations jurisprudentielles, soulignée d’ailleurs par la Commission nationale consultative des droits de l’homme dans son avis sur l'identité de genre et sur le changement de la mention de sexe à l'état civil du 27 Juin 2013. Si la présente proposition de loi vise à limiter la variabilité territoriale des interprétations, il convient cependant de reconnaitre qu’elle restera possible.
Le présent amendement propose donc d’ouvrir un choix dans la compétence territoriale entre le tribunal du lieu de naissance et le tribunal du lieu de résidence, ce afin d’introduire une plus grande souplesse dans l’accès au changement d’état civil pour les personnes trans. Il s’agit de permettre un accès effectif au changement d’état civil même dans l’hypothèse où, dans un territoire donné, l’autorité montrerait une particulière intransigeance dans le traitement des demandes.
Par ailleurs, la mention du procureur de la République « territorialement compétent » semble dérogatoire. Le choix entre le lieu de résidence et de naissance se retrouve en revanche en droit, à l’image de l’article 1055-1 du Code de procédure civile sur le changement de prénom. Cet amendement permet ainsi de conforter une cohérence entre le texte proposé et le droit en vigueur.
Amendement 4 :
Supprimer les aliénas 6 à 12 de l’article unique et les remplacer par :
« Le demandeur produit les éléments suivants :
1°/ Une déclaration sur l'honneur du demandeur, précisant :
- que la mention du sexe demandé est celle qui correspond le mieux à son identité.
- qu'il assume cette identité de genre et qu'il est de son intention de continuer à l'assumer.
- qu'il comprend le sérieux de sa démarche.
- que la démarche est faite de façon volontaire et que son consentement est libre et éclairé.
- qu'à sa connaissance les renseignements fournis dans la demande sont exacts et complets.
2°/ Une déclaration sur l'honneur d'une tierce personne, physique ou morale, précisant :
- qu'elle connaît la personne depuis au moins un an.
- que la mention du sexe demandé par la personne est celle qui correspond le mieux à son identité de genre.
- que la démarche est faite de façon volontaire et que son consentement est libre et éclairé.
A l’alinéa 13, remplacer les mots « remplit les conditions fixées » par « a fourni les éléments demandés »
A l’alinéa 14, remplacer les mots « Si les éléments produits sont insuffisants pour constater que le demandeur remplit les conditions fixées à l'article 61-5 ou en cas de doute réel et sérieux sur la bonne foi de ces éléments, » par « En cas de doute réel et sérieux sur le consentement libre et éclairé du demandeur, »
L’article 61-6 proposé par la présente proposition de loi détaille la procédure à suivre pour obtenir la modification de la mention de sexe dans l’état civil et les documents que la personne peut produire à l’appui de sa requête. Les documents prévus maintiennent une médicalisation partielle de la procédure. Ils sous-tendent également que ce n’est pas à la personne à l’origine de la demande de déterminer son sexe ou genre, mais à la société, par l’intermédiaire de l’autorité compétente. Une telle logique s’oppose à la position de la Cour européenne des droits de l’homme qui a, à plusieurs reprises, interdit aux Etats de « mettre en cause la liberté pour le requérant de définir son appartenance sexuelle, liberté qui s’analyse comme l’un des éléments les plus essentiels du droit à l’autodétermination » (CEDH, 10 mars 2015, n° 14793/08, §101 et CEDH, 12 septembre 2003 no 35968/97, §73).
Considérant que le consentement libre et éclairé du demandeur constitue le critère unique et déterminant du changement d’état civil, le présent amendement propose de remplacer les documents et certificats demandés par les éléments suivants :
- une déclaration sur l’honneur du demandeur, certifiant qu’il est conscient de ce qu’impliquent la demande et les conséquences juridiques et sociales,
- une seconde déclaration sur l’honneur d’une personne tierce, physique ou morale, attestant de la bonne foi de la demande.
Ce n’est qu’en cas de doute réel et sérieux sur le consentement libre et éclairé du demandeur que des conséquences doivent être tirer.
Ainsi, le présent amendement centre la procédure de changement d’état civil sur la notion de consentement libre et éclairé, en cohérence avec le reste du droit français, comme en matière de mariage, d’adoption ou encore en matière médicale.
La déclaration sur l’honneur du demandeur formalise ce consentement et rapproche ainsi la procédure de nombreuses autres définies par le droit français.
Il est par ailleurs proposé d’ajouter la seconde attestation sur l’honneur par une personne de l’entourage choisie par le demandeur. Cette déclaration évite d’imposer des certificats de personnes extérieures ou de professionnels, notamment médicaux. Elle est le fait de proches pouvant témoigner que la demande est justifiée et correspond, de bonne foi, au choix et au vécu du demandeur. Mais cette seconde attestation pourrait aussi être déclarée par une personne morale, afin de ne pas mettre en difficulté les personnes les plus isolées socialement.
Ces deux évolutions de la proposition de loi, en cohérence avec de nombreux rapports internationaux, européens et français, réaffirment qu’il ne revient pas à la société de définir le genre ou le sexe du demandeur, mais à lui-même, par son consentement libre et éclairé. L’autorité compétente constate et enregistre alors le changement d’état civil, sauf en cas de doute réel et sérieux.
Amendement 5 :
A l’alinéa 13 de l’article unique, après le mot « constate », ajouter les mots « , dans un délai de quinze jours à compter du dépôt de la demande, »
A l’alinéa 13, remplacer « sous trois mois » par « sous quinze jours »
A l’alinéa 14, après le mot « saisit », ajouter « dans un délai de quinze jours »
A l’alinéa 14, remplacer « qui statue dans les meilleurs délais » par « qui statue dans un délai de quinze jours »
L’amendement proposé vise à contraindre dans le temps la procédure de changement d’état civil.
L’exposé des motifs de la proposition de loi, reprenant les constats de la HALDE et de la CNCDH, rappelle que l’inadéquation entre l’apparence des personnes et leur sexe ou genre sur les pièces d’identité et documents administratifs, ne permet pas d’assurer le respect de la vie privée des personnes, les expose à des discriminations, les maintient jusqu’à la reconnaissance du changement d’état civil dans une situation de vulnérabilité sociale. En restreignant la durée de la procédure, l’amendement vise à répondre à ces difficultés.
Amendement 6 :
A l’alinéa 14 de l’article unique :
- Remplacer « Si les éléments produits sont insuffisants pour constater que le demandeur remplit les conditions fixées à l'article 61-5 ou en cas de doute réel et sérieux sur la bonne foi de ces éléments, » par « En cas de doute réel et sérieux sur le consentement libre et éclairé du demandeur, »
Le présent amendement vise à simplifier la procédure conformément aux résolutions européennes et aux avis de la HALDE et de la CNCDH et d’éviter les discriminations liées à l’identité de genre. Il positionne le consentement libre et éclairé du demandeur au centre de la procédure.
Amendement 7 :
Aux alinéas 5, 13 et 14 de l’article unique, remplacer « Procureur de la République » par « officier d’état
civil ».
A l’alinéa 14, remplacer « le Président du Tribunal de Grande Instance » par « le Procureur de la
République »
La proposition de loi confie la procédure de changement d’état civil au procureur de la République. Le présent amendement propose de la confier à l’officier d’état civil.
Sur le plan juridique, le changement d’état civil ne saurait en effet être considéré comme une rectification mais comme une reconnaissance d’un état civil. Le jugement est donc constitutif, sans effets rétro-actifs. Il n’implique pas, en conséquence, la présence d’un procureur dans la procédure. Remettre la procédure à l’officier d’état civil n’interdit cependant pas à ce dernier, s’il y a un doute réel et sérieux sur la demande, de saisir le procureur de la République, et non le Président du tribunal de grande instance, conformément à d’autres procédures en matière d’état civil.
Une telle procédure s’inscrit en conformité avec la position de la Cour européenne des droits de l’homme qui a, à plusieurs reprises, interdit aux Etats de « mettre en cause la liberté pour le requérant de définir son appartenance sexuelle, liberté qui s’analyse comme l’un des éléments les plus essentiels du droit à l’autodétermination » (CEDH, 10 mars 2015, n° 14793/08, §101 et CEDH, 12 septembre 2003 no 35968/97, §73).
Confier le changement d’état civil à l’officier d’état civil permet de mieux répondre à la diversité des interprétations des textes, constatée aujourd’hui, par les procureurs de la République qui ne semblent pas se considérer liés par la circulaire du 14 mai 2010. L’expérience du « mariage pour tous » a depuis montré que la crainte de diversité d’interprétations, voire d’oppositions, pouvait être avérée dans un premier temps.
Cependant, les condamnations et jurisprudence consécutives de décisions ne respectant pas le cadre de la loi rassurent quant à une normalisation et uniformisation de la procédure et des interprétations à court terme.
Sur le plan pratique, une demande puis une transcription du changement d’état civil auprès et par un officier d’état civil permet de simplifier la démarche en facilitant l’accès et l’échange avec les services en charge de la procédure. Ce n’est pas le cas pour le procureur de la République qui ne peut être joint par les justiciables qui se trouveront alors dans des situations d’incertitudes.
Dans le même esprit, cette simplification permet d’aller vers une procédure plus rapide, ce au profit du procureur qui pourra se concentrer sur les autres dossiers dont il a la charge, mais aussi au profit du justiciable qui aura dans des délais plus courts, un état civil correspondant à son genre, facilitant la vie sociale et l’accès aux droits.
Enfin, la proposition formulée par cet amendement s’inscrit en cohérence avec les travaux du Ministère de la justice dans le cadre de la réforme de la justice du XXIème siècle, visant à rapprocher la justice du citoyen, améliore et simplifie l'accès au droit.
1 En France, le Crips, notamment, a publié un dossier sur leur site web http://www.lecrips-idf.net/informer/dossier-thematique/egalite-filles-garcons/ dénonçant les stéréotypes de genres.
Signataires :
Collectif Existrans
Acthe
Ouest Trans
C'est pas mon genre
Trans 3.0
Comité IDAHO
Act Up Paris
Collectif santé trans +
Observatoire des transidentités
Chrysalide
Outrans
Acceptess-t
AIDES
TGEU
Ilga Europe
Inter-LGBT
Le planning familial
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Lettre ouverte aux député-e-s sur la proposition de loi relative à la modification de la mention du sexe à l’état civil
n° 3084 déposé le 29 septembre 2015 à l’Assemblée nationaleMesdames et Messieurs les député-e-s,
Nous, associations trans, avec nos allié-e-s des associations LGBT et de santé, avons pris connaissance de votre proposition de loi (PPL) relative à la modification de la mention du sexe à l’état civil. Nous vous remercions d’avoir pris conscience de la nécessité de réformer le changement d’état civil (CEC).
Comme vous le soulignez, la « procédure jurisprudentielle est inadaptée ». De nombreuses jurisprudences sur le CEC viennent en effet prouver l’inégalité de traitement sur le territoire. Et la France a beaucoup de retard sur ce sujet, notamment vis-à-vis de pays tels que l’Argentine, le Danemark, la Norvège, Malte et bien d’autres encore. D’ailleurs, la France est menacée d’une condamnation par la Cour européenne des droits de l’Homme sur le CEC.
Dans ce contexte, et alors que la réforme du CEC était une promesse du candidat François Hollande en 2012, nous considérons que cette PPL constitue une base de travail sur laquelle nous souhaitons nous investir. Nous partageons vos constats sur la nécessité de réforme en faveur de la simplification, de la gratuité et de la rapidité de la procédure, ainsi que sur sa démédicalisation. Nous souhaitons néanmoins vous faire part de quelques suggestions afin que la procédure mise en place soit pleinement conforme aux objectifs que vous annoncez.
Vous trouverez en pièce jointe quelques commentaires d’ordre général ainsi que des propositions d’amendements concrètes.
Espérant que nos propositions rencontrent un écho favorable, et restant à votre disposition pour échanger plus avant, nous vous prions d’agréer, Mesdames, Messieurs les député-e-s, l’expression de nos sentiments les meilleurs.
Commentaires préalables
Plusieurs développements contenus dans l’exposé des motifs ont retenu notre attention. Nos organisations partagent pleinement vos analyses sur la procédure jurisprudentielle que vous qualifiez d’« inadaptée » : elles correspondent en tout point à nos constats. En revanche, sur d’autres paragraphes de l’exposé des motifs, nous souhaitons vous faire part de nos commentaires sur ce qui pourrait apparaitre comme des erreurs ou des approximations.
Tout d’abord, nos organisations sont attachées à ce que les termes de « transidentité » et de « personnes transidentitaires » soient privilégiés. Notre position s’inscrit en conformité de l’avis de la CNCDH du 27 juin 2013 qui précise que « le terme de « transidentité » exprime le décalage que ressentent les personnes transidentitaires entre leur sexe biologique et leur identité psychosociale ou « identité de genre ». Cette notion englobe plusieurs réalités, parmi lesquelles celles des transsexuels qui ont bénéficié d’une chirurgie ou d’un traitement hormonal de réassignation sexuelle, celle des transgenres pour lesquels l’identité de genre ne correspond pas au sexe biologique et qui n’ont pas entamé de processus médical de réassignation sexuelle ; celle enfin des queer qui refusent la caractérisation binaire homme/femme. Pour désigner l’ensemble de ces personnes, la CNCDH a choisi d’employer les termes génériques de « transidentité » et de « personnes transidentitaires » ».
De même, le terme de « conviction » employé dans l’exposé des motifs de la PPL pour désigner les personnes comme des personnes qui « éprouvent la conviction d’être nées dans le mauvais corps » nous semble inapproprié car la conviction relève de la croyance, ce qui peut renvoyer à la psychiatrie. Nous vous proposons d’employer plutôt les termes suivants : la personne « se détermine comme étant du genre ou du sexe revendiqué. »
Ensuite, nous attirons votre attention sur le fait que ce n’est pas la transidentité qui génère « dans la plupart des cas de profondes souffrances psychologiques, notamment traduites par un taux de suicide estimé à 34% par une enquête associative en France. », mais que ce sont plutôt les préjugés, le sexisme et la transphobie qui entrainent des discriminations.
Aussi, il nous semblerait opportun de présenter la situation de la manière suivante : les difficultés telles que les préjugés, le sexisme et la transphobie, rencontrées par les personnes transidentitaires, génèrent, dans la plupart des cas, de profondes souffrances psychologiques, notamment traduites par un taux de tentatives de suicide estimé à 34% par une enquête associative en France.
Par ailleurs, nous considérons, au regard de votre volonté de démédicaliser la procédure, que certains mots ne sont pas appropriés comme le mot « discordance » qui renvoie au terme psychiatrique du « syndrome dissociatif » qui est une schizophrénie. Par conséquent il serait malvenu d’utiliser un terme psychiatrique pour désigner une réalité transidentitaire. Nos organisations privilégient le terme de « décalage ».
Enfin, en ce qui concerne l’évolution du droit international et les exemples étrangers, il nous semblerait nécessaire de mentionner la résolution du Parlement européen du 28 septembre 2011 sur les droits de l’homme, l’orientation sexuelle et l’identité de genre aux Nations unies :
« - Le 28 septembre 2011, le Parlement européen adopte une résolution sur les droits de l’Homme, l’orientation sexuelle et l’identité de genre aux Nations unies. Son article 11 dispose que « le parlement européen regrette que les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres ne soient pas toujours pleinement respectés au sein de l’Union, y compris le droit à l’intégrité physique ». Son article 13 dispose que « le parlement condamne fermement le fait que l’homosexualité, la bisexualité et la transsexualité soient encore perçus par certains pays, y compris au sein de l’Union, comme des maladies mentales et appelle les différents Etats à lutter contre ce phénomène ; demande en particulier la dépsychiatrisation du parcours transsexuel, transgenre, le libre choix de l’équipe soignante, la simplification du changement d’identité et une prise en charge des coûts par la sécurité sociale. » »
De même, qu’il conviendrait, pour un exposé rigoureux de l’environnement juridique européen, de faire état de la résolution 2048 relative à la discrimination à l’encontre des personnes transgenres en Europe, adoptée le 22 avril 2015, par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Elle propose en effet une base pertinente à la proposition de loi, dans ses articles 6.2.1. et 6.2.2 selon lesquels : « l’Assemblée appelle les Etats membres à instaurer des procédures rapides, transparentes et accessibles, fondées sur l’autodétermination, qui permettent aux personnes transgenres de changer de nom et de sexe sur les certificats de naissance, les cartes d’identité, les passeports, les diplômes et autres documents similaires ; à mettre ces procédures à la disposition de toutes les personnes qui souhaitent les utiliser, indépendamment de l’âge, de l’état de santé, de la situation financière ou d’une incarcération présente ou passé ; à abolir la stérilisation et les autres traitements médicaux obligatoires, ainsi que le diagnostic de santé mentale, en tant qu’obligation juridique préalable à la reconnaissance de l’identité de genre d’une personne dans les lois encadrant la procédure de changement du nom et du genre inscrits à l’état civil ; ».
Nos propositions d’amendements
Amendement 1 :
A l’alinéa 4 de l’article unique, remplacer « à l'expérience intime de son identité et au sexe dans lequel elle est perçue par la société » par « au genre ou au sexe revendiqué ».
La référence « l'expérience intime de son identité » ou au « sexe dans lequel (la personne) est perçue par la société » relèvent de préjugés et de stéréotypes. Le présent amendement propose de se référer « au genre ou au sexe revendiqué », davantage en conformité avec les réalités vécues par les personnes concernées, telles que rapportées d’ailleurs par plusieurs rapports institutionnels1.
Une telle reformulation serait en effet conforme au rapport présenté par la Commission européenne « Les personnes trans et intersexuées – La discrimination fondée sur le sexe, l’identité de genre et l’expression de genre envers » du 29 juin 2011 (page 13 et 14) selon lequel : « Les stéréotypes portant sur le genre jouent également un rôle important dans l’aliénation et la marginalisation des trans et des intersexués. En fait, les stéréotypes fondés sur le genre qui favorisent une forme particulière de « masculinité » en rapport avec les hommes et une forme particulière de « féminité » en rapport avec les femmes exposent de nombreux trans et intersexués à une discrimination institutionnalisée. En plus du préjudice découlant du modèle binaire de genre, les trans et les intersexués sont victimes de transphobie et d’interphobie, c'est-à-dire de croyances culturelles et personnelles, d’opinions, d’attitudes et de comportements fondés sur des préjugés ou le dégoût, la crainte et/ou la haine des trans et des intersexués ou dirigés contre les variations de sexe, d’identité de genre et d’expression de genre. La transphobie et l’interphobie institutionnelles se manifestent à travers les sanctions imposées par la loi et le caractère juridiquement consacré au système de genre binaire, la pathologisation des identités trans et des corps intersexués et l’inexistence ou inadéquation des mécanismes de lutte contre la violence et la discrimination. La transphobie sociale se manifeste sous la forme de violence physique ou autre, de discours de haine, de discrimination, de menaces, de marginalisation, d’exclusion sociale, d’ « exotisation », de ridiculisation et d’insultes. ».
La reformulation proposée serait également cohérente avec le rapport de la Commission sur l’égalité et les droits humains, intitulé “Trans research view” de 2009, qui souligne (section 3.3 « Causes of transphobia », page 35) :
« It was not possible within the scope of this review to consider all of the sociological and psychological literature addressing the cause of transphobia. Such work generally considers that prejudice can be linked to sexism, the associated definition of rigid gender roles and behavior linked to sex, and the discomfort that some people feel in terms of their sexual orientation when they cannot ascribe a fixed gender identity to a person. ».
De façon plus générale, la seconde condition de l’article 61-5 qui fait référence à la manière dont est perçue la personne trans par la société renvoie au jugement douteux lié au « passing » des personnes transidentitaires favorisant ainsi les discriminations.
Au surplus, ni la résolution 1728 du Conseil de l’Europe, ni les avis de la HALDE notamment celui du 15 septembre 2008, ni l’avis de la CNCDH du 27 juin 2013 ne fait une quelconque référence à « la condition de sexe perçu par la société » ou « dès lors qu’ils sont perçus comme appartenant au sexe revendiqué » ou toute notion s’y apparentant.
Enfin, dans l’exposé des motifs de la PPL, le mot « discordance » renvoie à un terme psychiatrique, comme nous l’avons développé précédemment. Par ailleurs, après vérification, il n’est jamais fait mention de la « discordance avec l’expérience intime de l’identité » pour définir la transidentité, y compris dans les documents relatifs à la prise en charge médicale, que cela soit dans le DSM5, dans la CIM10 ou encore dans les Standard of Cares v7 de la WPATH. La définition retenue aujourd’hui par le Conseil de l’Europe, dans sa résolution 1728 du 29 avril 2010, est la suivante : « Une personne transgenre est quelqu’un dont l’identité de genre ne correspond pas au genre qui lui a été assignée à sa naissance ».
Amendement 2 :
A l’alinéa 4 de l’article unique, supprimer « majeure ».
La suppression du mot "majeure" permet d'inclure les personnes mineures dans cette loi, dans l'intérêt supérieur de l'enfant et conformément notamment à la résolution 2048 du Conseil de l'Europe qui appelle, à propos des "procédures de changement de prénom et de sexe, "à mettre ces procédures à la disposition de toutes les personnes qui souhaitent les utiliser, indépendamment de l’âge". Le CEC est d’ailleurs déjà accessible aux personnes mineures dans le système actuel. Cette disposition peut concerner des personnes mineures intersexes et trans. La modification de l’acte de naissance d’une personne mineure pourrait alors être demandée par ses représentants légaux, avec son consentement. Un article pourrait être ajouté pour préciser la possibilité pour le juge d'ordonner la modification de l’état civil d’un mineur, dès lors que cette modification est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant, nonobstant l'opposition des représentants légaux.
Amendement 3 :
A l’alinéa 5 de l’article unique, remplacer « territorialement compétent » par « du lieu de naissance ou de résidence »
Alors que la version actuelle de l’article propose de remettre la demande de changement d’état civil au procureur de la République « territorialement compétent », l’amendement vise à élargir en permettant d’engager la démarche en fonction « du lieu de naissance ou de résidence ».
Aujourd’hui, les personnes trans, pour les démarches de changement d’état civil, ont la possibilité de choisir entre le tribunal du lieu de naissance et celui de leur résidence. Ce choix est essentiel au regard de la diversité territoriale des interprétations jurisprudentielles, soulignée d’ailleurs par la Commission nationale consultative des droits de l’homme dans son avis sur l'identité de genre et sur le changement de la mention de sexe à l'état civil du 27 Juin 2013. Si la présente proposition de loi vise à limiter la variabilité territoriale des interprétations, il convient cependant de reconnaitre qu’elle restera possible.
Le présent amendement propose donc d’ouvrir un choix dans la compétence territoriale entre le tribunal du lieu de naissance et le tribunal du lieu de résidence, ce afin d’introduire une plus grande souplesse dans l’accès au changement d’état civil pour les personnes trans. Il s’agit de permettre un accès effectif au changement d’état civil même dans l’hypothèse où, dans un territoire donné, l’autorité montrerait une particulière intransigeance dans le traitement des demandes.
Par ailleurs, la mention du procureur de la République « territorialement compétent » semble dérogatoire. Le choix entre le lieu de résidence et de naissance se retrouve en revanche en droit, à l’image de l’article 1055-1 du Code de procédure civile sur le changement de prénom. Cet amendement permet ainsi de conforter une cohérence entre le texte proposé et le droit en vigueur.
Amendement 4 :
Supprimer les aliénas 6 à 12 de l’article unique et les remplacer par :
« Le demandeur produit les éléments suivants :
1°/ Une déclaration sur l'honneur du demandeur, précisant :
- que la mention du sexe demandé est celle qui correspond le mieux à son identité.
- qu'il assume cette identité de genre et qu'il est de son intention de continuer à l'assumer.
- qu'il comprend le sérieux de sa démarche.
- que la démarche est faite de façon volontaire et que son consentement est libre et éclairé.
- qu'à sa connaissance les renseignements fournis dans la demande sont exacts et complets.
2°/ Une déclaration sur l'honneur d'une tierce personne, physique ou morale, précisant :
- qu'elle connaît la personne depuis au moins un an.
- que la mention du sexe demandé par la personne est celle qui correspond le mieux à son identité de genre.
- que la démarche est faite de façon volontaire et que son consentement est libre et éclairé.
A l’alinéa 13, remplacer les mots « remplit les conditions fixées » par « a fourni les éléments demandés »
A l’alinéa 14, remplacer les mots « Si les éléments produits sont insuffisants pour constater que le demandeur remplit les conditions fixées à l'article 61-5 ou en cas de doute réel et sérieux sur la bonne foi de ces éléments, » par « En cas de doute réel et sérieux sur le consentement libre et éclairé du demandeur, »
L’article 61-6 proposé par la présente proposition de loi détaille la procédure à suivre pour obtenir la modification de la mention de sexe dans l’état civil et les documents que la personne peut produire à l’appui de sa requête. Les documents prévus maintiennent une médicalisation partielle de la procédure. Ils sous-tendent également que ce n’est pas à la personne à l’origine de la demande de déterminer son sexe ou genre, mais à la société, par l’intermédiaire de l’autorité compétente. Une telle logique s’oppose à la position de la Cour européenne des droits de l’homme qui a, à plusieurs reprises, interdit aux Etats de « mettre en cause la liberté pour le requérant de définir son appartenance sexuelle, liberté qui s’analyse comme l’un des éléments les plus essentiels du droit à l’autodétermination » (CEDH, 10 mars 2015, n° 14793/08, §101 et CEDH, 12 septembre 2003 no 35968/97, §73).
Considérant que le consentement libre et éclairé du demandeur constitue le critère unique et déterminant du changement d’état civil, le présent amendement propose de remplacer les documents et certificats demandés par les éléments suivants :
- une déclaration sur l’honneur du demandeur, certifiant qu’il est conscient de ce qu’impliquent la demande et les conséquences juridiques et sociales,
- une seconde déclaration sur l’honneur d’une personne tierce, physique ou morale, attestant de la bonne foi de la demande.
Ce n’est qu’en cas de doute réel et sérieux sur le consentement libre et éclairé du demandeur que des conséquences doivent être tirer.
Ainsi, le présent amendement centre la procédure de changement d’état civil sur la notion de consentement libre et éclairé, en cohérence avec le reste du droit français, comme en matière de mariage, d’adoption ou encore en matière médicale.
La déclaration sur l’honneur du demandeur formalise ce consentement et rapproche ainsi la procédure de nombreuses autres définies par le droit français.
Il est par ailleurs proposé d’ajouter la seconde attestation sur l’honneur par une personne de l’entourage choisie par le demandeur. Cette déclaration évite d’imposer des certificats de personnes extérieures ou de professionnels, notamment médicaux. Elle est le fait de proches pouvant témoigner que la demande est justifiée et correspond, de bonne foi, au choix et au vécu du demandeur. Mais cette seconde attestation pourrait aussi être déclarée par une personne morale, afin de ne pas mettre en difficulté les personnes les plus isolées socialement.
Ces deux évolutions de la proposition de loi, en cohérence avec de nombreux rapports internationaux, européens et français, réaffirment qu’il ne revient pas à la société de définir le genre ou le sexe du demandeur, mais à lui-même, par son consentement libre et éclairé. L’autorité compétente constate et enregistre alors le changement d’état civil, sauf en cas de doute réel et sérieux.
Amendement 5 :
A l’alinéa 13 de l’article unique, après le mot « constate », ajouter les mots « , dans un délai de quinze jours à compter du dépôt de la demande, »
A l’alinéa 13, remplacer « sous trois mois » par « sous quinze jours »
A l’alinéa 14, après le mot « saisit », ajouter « dans un délai de quinze jours »
A l’alinéa 14, remplacer « qui statue dans les meilleurs délais » par « qui statue dans un délai de quinze jours »
L’amendement proposé vise à contraindre dans le temps la procédure de changement d’état civil.
L’exposé des motifs de la proposition de loi, reprenant les constats de la HALDE et de la CNCDH, rappelle que l’inadéquation entre l’apparence des personnes et leur sexe ou genre sur les pièces d’identité et documents administratifs, ne permet pas d’assurer le respect de la vie privée des personnes, les expose à des discriminations, les maintient jusqu’à la reconnaissance du changement d’état civil dans une situation de vulnérabilité sociale. En restreignant la durée de la procédure, l’amendement vise à répondre à ces difficultés.
Amendement 6 :
A l’alinéa 14 de l’article unique :
- Remplacer « Si les éléments produits sont insuffisants pour constater que le demandeur remplit les conditions fixées à l'article 61-5 ou en cas de doute réel et sérieux sur la bonne foi de ces éléments, » par « En cas de doute réel et sérieux sur le consentement libre et éclairé du demandeur, »
Le présent amendement vise à simplifier la procédure conformément aux résolutions européennes et aux avis de la HALDE et de la CNCDH et d’éviter les discriminations liées à l’identité de genre. Il positionne le consentement libre et éclairé du demandeur au centre de la procédure.
Amendement 7 :
Aux alinéas 5, 13 et 14 de l’article unique, remplacer « Procureur de la République » par « officier d’état
civil ».
A l’alinéa 14, remplacer « le Président du Tribunal de Grande Instance » par « le Procureur de la
République »
La proposition de loi confie la procédure de changement d’état civil au procureur de la République. Le présent amendement propose de la confier à l’officier d’état civil.
Sur le plan juridique, le changement d’état civil ne saurait en effet être considéré comme une rectification mais comme une reconnaissance d’un état civil. Le jugement est donc constitutif, sans effets rétro-actifs. Il n’implique pas, en conséquence, la présence d’un procureur dans la procédure. Remettre la procédure à l’officier d’état civil n’interdit cependant pas à ce dernier, s’il y a un doute réel et sérieux sur la demande, de saisir le procureur de la République, et non le Président du tribunal de grande instance, conformément à d’autres procédures en matière d’état civil.
Une telle procédure s’inscrit en conformité avec la position de la Cour européenne des droits de l’homme qui a, à plusieurs reprises, interdit aux Etats de « mettre en cause la liberté pour le requérant de définir son appartenance sexuelle, liberté qui s’analyse comme l’un des éléments les plus essentiels du droit à l’autodétermination » (CEDH, 10 mars 2015, n° 14793/08, §101 et CEDH, 12 septembre 2003 no 35968/97, §73).
Confier le changement d’état civil à l’officier d’état civil permet de mieux répondre à la diversité des interprétations des textes, constatée aujourd’hui, par les procureurs de la République qui ne semblent pas se considérer liés par la circulaire du 14 mai 2010. L’expérience du « mariage pour tous » a depuis montré que la crainte de diversité d’interprétations, voire d’oppositions, pouvait être avérée dans un premier temps.
Cependant, les condamnations et jurisprudence consécutives de décisions ne respectant pas le cadre de la loi rassurent quant à une normalisation et uniformisation de la procédure et des interprétations à court terme.
Sur le plan pratique, une demande puis une transcription du changement d’état civil auprès et par un officier d’état civil permet de simplifier la démarche en facilitant l’accès et l’échange avec les services en charge de la procédure. Ce n’est pas le cas pour le procureur de la République qui ne peut être joint par les justiciables qui se trouveront alors dans des situations d’incertitudes.
Dans le même esprit, cette simplification permet d’aller vers une procédure plus rapide, ce au profit du procureur qui pourra se concentrer sur les autres dossiers dont il a la charge, mais aussi au profit du justiciable qui aura dans des délais plus courts, un état civil correspondant à son genre, facilitant la vie sociale et l’accès aux droits.
Enfin, la proposition formulée par cet amendement s’inscrit en cohérence avec les travaux du Ministère de la justice dans le cadre de la réforme de la justice du XXIème siècle, visant à rapprocher la justice du citoyen, améliore et simplifie l'accès au droit.
La proposition de loi avec nos modifications
Après la section II du chapitre II du titre II du Livre Premier du Code Civil est insérée une section II bis intitulée : « de la modification de la mention du sexe à l’état civil » qui comprend cinq articles ainsi rédigés :
« Art. - 61-5 : Toute personne dont la mention relative à son sexe à l'état civil ne correspond pas au genre ou au sexe revendiqué peut en demander la modification.
« Art. - 61-6 : La demande de modification de la mention relative au sexe à l'état civil et, le cas échéant, de modification corrélative de prénoms, est adressée par écrit à l’officier d’état civil du lieu de naissance ou de résidence.
Le demandeur produit les éléments suivants :
1°/ Une déclaration sur l'honneur du demandeur, précisant :
- que la mention du sexe demandé est celle qui correspond le mieux à son identité.
- qu'il assume cette identité de genre et qu'il est de son intention de continuer à l'assumer.
- qu'il comprend le sérieux de sa démarche.
- que la démarche est faite de façon volontaire et que son consentement est libre et éclairé.
- qu'à sa connaissance les renseignements fournis dans la demande sont exacts et complets.
2°/ Une déclaration sur l'honneur d'une tierce personne, physique ou morale, précisant :
- qu'elle connaît la personne depuis au moins un an.
- que la mention du sexe demandé par la personne est celle qui correspond le mieux à son identité de genre.
- que la démarche est faite de façon volontaire et que son consentement est libre et éclairé.
L’officier d’état civil constate, dans un délai de quinze jours à compter du dépôt de la demande, que le demandeur a
fourni les éléments demandés à l'article 61-6 et ordonne, sous quinze jours, la modification de la mention relative au sexe ainsi que, le cas échéant, aux prénoms, à l'état civil.
En cas de doute réel et sérieux sur le consentement libre et éclairé du demandeur, l’officier d’état civil saisit, dans un délai de quinze jours à compter du dépôt du dossier, le Procureur de la République qui statue dans un délai de quinze jours.
« Art. 61-7 : Mention des décisions de modification de sexe et de prénoms est portée en marge des actes de l'état civil de l'intéressé.
Par dérogation aux dispositions de l'article 61-4, les modifications de la mention du sexe et des prénoms corrélatifs à une décision de modification de sexe ne sont portées en marge des actes de l'état civil des conjoints et enfants qu'avec le consentement des intéressés ou de leurs représentants légaux.
Les dispositions des articles 100 et 101 sont applicables aux modifications de sexe.
« Art. 61-8 : Toute personne ayant obtenu la modification de la mention du sexe à l'état civil peut disposer de
documents d'identité sans mention du sexe et des prénoms antérieurs à cette modification. Un décret pris en Conseil
d'Etat fixe la liste de ces documents.
« Art. 61-9 : La modification de la mention du sexe à l'état civil est sans effet sur les obligations contractées à l'égard de tiers, ni sur les filiations établies avant cette modification. »
« Art. - 61-5 : Toute personne dont la mention relative à son sexe à l'état civil ne correspond pas au genre ou au sexe revendiqué peut en demander la modification.
« Art. - 61-6 : La demande de modification de la mention relative au sexe à l'état civil et, le cas échéant, de modification corrélative de prénoms, est adressée par écrit à l’officier d’état civil du lieu de naissance ou de résidence.
Le demandeur produit les éléments suivants :
1°/ Une déclaration sur l'honneur du demandeur, précisant :
- que la mention du sexe demandé est celle qui correspond le mieux à son identité.
- qu'il assume cette identité de genre et qu'il est de son intention de continuer à l'assumer.
- qu'il comprend le sérieux de sa démarche.
- que la démarche est faite de façon volontaire et que son consentement est libre et éclairé.
- qu'à sa connaissance les renseignements fournis dans la demande sont exacts et complets.
2°/ Une déclaration sur l'honneur d'une tierce personne, physique ou morale, précisant :
- qu'elle connaît la personne depuis au moins un an.
- que la mention du sexe demandé par la personne est celle qui correspond le mieux à son identité de genre.
- que la démarche est faite de façon volontaire et que son consentement est libre et éclairé.
L’officier d’état civil constate, dans un délai de quinze jours à compter du dépôt de la demande, que le demandeur a
fourni les éléments demandés à l'article 61-6 et ordonne, sous quinze jours, la modification de la mention relative au sexe ainsi que, le cas échéant, aux prénoms, à l'état civil.
En cas de doute réel et sérieux sur le consentement libre et éclairé du demandeur, l’officier d’état civil saisit, dans un délai de quinze jours à compter du dépôt du dossier, le Procureur de la République qui statue dans un délai de quinze jours.
« Art. 61-7 : Mention des décisions de modification de sexe et de prénoms est portée en marge des actes de l'état civil de l'intéressé.
Par dérogation aux dispositions de l'article 61-4, les modifications de la mention du sexe et des prénoms corrélatifs à une décision de modification de sexe ne sont portées en marge des actes de l'état civil des conjoints et enfants qu'avec le consentement des intéressés ou de leurs représentants légaux.
Les dispositions des articles 100 et 101 sont applicables aux modifications de sexe.
« Art. 61-8 : Toute personne ayant obtenu la modification de la mention du sexe à l'état civil peut disposer de
documents d'identité sans mention du sexe et des prénoms antérieurs à cette modification. Un décret pris en Conseil
d'Etat fixe la liste de ces documents.
« Art. 61-9 : La modification de la mention du sexe à l'état civil est sans effet sur les obligations contractées à l'égard de tiers, ni sur les filiations établies avant cette modification. »
1 En France, le Crips, notamment, a publié un dossier sur leur site web http://www.lecrips-idf.net/informer/dossier-thematique/egalite-filles-garcons/ dénonçant les stéréotypes de genres.
Signataires :
Collectif Existrans
Acthe
Ouest Trans
C'est pas mon genre
Trans 3.0
Comité IDAHO
Act Up Paris
Collectif santé trans +
Observatoire des transidentités
Chrysalide
Outrans
Acceptess-t
AIDES
TGEU
Ilga Europe
Inter-LGBT
Le planning familial
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