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Circulaire du 17 février 2017 sur le changement du prénom

Avec la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle, il est possible de modifier son prénom en mairie auprès de l'officier de l'état civil. Une circulaire était attendue afin de préciser les démarches à suivre.

Source : Article 60 du Code Civil« Art. 60. - Toute personne peut demander à l'officier de l'état civil à changer de prénom. La demande est remise à l'officier de l'état civil du lieu de résidence ou du lieu où l'acte de naissance a été dressé. S'il s'agit d'un mineur ou d'un majeur en tutelle, la demande est remise par son représentant légal. L'adjonction, la suppression ou la modification de l'ordre des prénoms peut également être demandée.
« Si l'enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis.
« La décision de changement de prénom est inscrite sur le registre de l'état civil.
« S'il estime que la demande ne revêt pas un intérêt légitime, en particulier lorsqu'elle est contraire à l'intérêt de l'enfant ou aux droits des tiers à voir protéger leur nom de famille, l'officier de l'état civil saisit sans délai le procureur de la République. Il en informe le demandeur. Si le procureur de la République s'oppose à ce changement, le demandeur, ou son représentant légal, peut alors saisir le juge aux affaires familiales. »


Le 17 février, la DACS (Direction des affaires civiles et du sceau) a publié une circulaire sur le changement du prénom (et ses annexes) qui doit être diffusée auprès des officiers d'état civil et qui est immédiatement applicable :
Circulaire du 17 février 2017
Annexe 1
Annexe 2
Annexe 3
Annexe 4
Annexe 5
Annexe 6
Annexe 7
Annexe 8
Annexe 9
Annexe 10
Annexe 11
Annexe 12
Annexe 13

L'annexe 1 précise : "Celui-ci [L'officier d'état civil] est désormais chargé d'apprécier si la demande de modification, suppression ou adjonction de prénom(s) est conforme à l'intérêt légitime de la personne concernée. C'est uniquement en cas de contrariété à cet intérêt légitime que l'officier de l'état civil devra saisir sans délai le procureur de la République. En cas d'opposition de ce dernier à la demande de changement de prénom, il reviendra alors au demandeur ou à son représentant légal, s'agissant d'une demande concernant un mineur ou un majeur sous tutelle, de saisir le juge aux affaires familiales."

"Les demandes de changement de prénom déposées auprès de l'officier de l'état civil ne sont pas éligibles au bénéfice de l'aide juridictionnelle et ce, même si les demandeurs font appel à un avocat."

"Les nouvelles dispositions de l'article 60 du code civil imposent une remise de la demande de changement de prénom à l'officier de l'état civil. Une telle exigence est destinée à permettre à ce dernier de vérifier l'identité de l'intéressé. Ainsi, l'officier de l'état civil devra refuser de recevoir une telle demande soit reçue par courrier, courriel ou télécopie, soit remise par une tierce personne."

"Enfin, afin d'assurer une traçabilité de la demande, il apparaît opportun qu'un récépissé de dépôt de la demande soit remis au demandeur ou à son/ses représentant(s) légal/légaux."

Pièces à fournir :
- L'acte de naissance de l'intéressé (copie intégrale, datant de moins de 3 mois)
- Carte d'identité (ou passeport) (présenter la double nationalité le cas échéant)
- Justificatif de résidence
- Éléments relatifs à l'intérêt légitime de la demande
("Dans certaines hypothèses particulières, la demande de changement de prénom pourra être utilement complétée par les éléments ci-après (non exhaustifs) :
Certificats émanant de professionnels de santé, faisant notamment état des difficultés rencontrées par l'intéressé porteur d'un prénom déterminée")
- Listes des actes de l'état civil devant être mis à jour à la suite du changement de prénom (acte de naissance, acte de naissance du conjoint, acte de naissance des enfants, acte de mariage, et les produire le cas échéant, une copie du livret de famille peut aussi être demandée)

Sur l'appréciation de l'intérêt légitime au changement de prénom, l'annexe 1 précise :

"L'officier de l'état civil devra apprécier la demande de changement de prénom au regard du seul intérêt légitime au changement sollicité. Cette appréciation sera effectuée en fonction des circonstances particulières de chaque demande. A cette fin, le procureur de la République pourra définir une politique locale en la matière. Pour élaborer une telle politique, la présente circulaire propose à titre indicatif un panorama de jurisprudence en matière de changement de prénom, jurisprudence dégagée par les juges aux affaires familiales dans le cadre des disposition antérieures de l'article 60 du code civil."

"Les nouvelles dispositions de l'article 60 du code civil précisent par ailleurs que l'intérêt légitime doit être apprécié en particulier au regarde de l'intérêt de l'enfant ou [aux] droits des tiers à voir protéger [leur] nom de famille".

L'annexe 2 liste à titre indicatif les critères qui peuvent faire droit à la demande ou au contraire de ne pas y faire droit.

Il est intéressant de noter que "il est rappelé que la décision prise par un officier de l'état civil ou juge aux affaires familiales ne lie pas l'officier de l'état civil saisi ultérieurement". C'est important, cela dit qu'on peut saisir tous les officiers d'état civil que nous le souhaitons jusqu'à obtenir un changement de prénom.

En cas d'opposition du procureur de la République :

En cas d'opposition, le procureur de la République doit motiver son opposition.

Le recours devant le juge aux affaires familiales sera une procédure contentieuse, engagée à la suite de la saisine du juge aux affaires familiales par le demandeur.

Attention, cela veut dire que le recours à un-e avocat-e est obligatoire pour une saisine du juge aux affaires familiales. Ce qui n'était pas le cas avant la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle.

Dans l'annexe 2 nous retrouvons les hypothèses majoritairement retenues dans la jurisprudence antérieure des juges aux affaires familiales pour démontrer l'existence d'un intérêt légitime au changement de prénom.

- "Usage prolongé d'un prénom autre que celui figurant à l'état civil. Construction de l'identité de la personne avec l'attribution d'un prénom autre que le prénom d'origine par des tiers dans le domaine familiale, administratif, amical, professionnel, etc."
- "Motifs tenant à la transsexualité du demandeur. Caractère un intérêt légitime au changement de prénom, la volonté de mettre en adéquation son apparence physique avec son état civil en adoptant un nouveau prénom conforme à son apparence, et ce, indépendamment de l'introduction d'une procédure de changement de sexe."

Conclusion
Le changement du prénom se fait maintenant devant l'officier d'état civil alors qu'avant il fallait aller devant le juge aux affaires familiales (la représentation par un-e avocat-e n'était pas obligatoire). Il y a donc une déjudiciarisation de la demande, ce qui est très positif, en apparence.

Cependant la demande conserve la même forme qu'avant la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle. C'est à dire qu'il faut que le demandeur prouve l'intérêt légitime selon la jurisprudence d'avant la loi de modernisation de la justice du XXIème. Donc cette demande n'est pas démédicalisée, la preuve du "syndrome transsexuel" peut toujours être exigée ainsi que divers éléments médicaux, voire même "l'irréversibilité de la transformation de l'apparence". De même, il est précisé que l'officier d'état civil doit pouvoir attester de l'identité de la personne demandeuse, donc juger son apparence.

L'officier d'état civil peut saisir le procureur de la République, en cas d'opposition motivée de ce dernier, le demandeur peut saisir le juge aux affaires familiales mais avec une procédure contentieuse. La représentation par un-e avocat-e devient obligatoire. Contrairement à avant. Le juge aux affaires familiales jugera selon la jurisprudence d'avant la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle ("syndrome transsexuel" et "irréversibilité de la transformation de l'apparence").

Il faut aussi noter que les officiers d'état civil n'ont pas pour habitude de juger, mais seulement d'enregistrer. Nous pouvons donc craindre une sollicitation élevée du procureur de la République.

Le changement du prénom, bien que déjudiciarisé, est soumis à bien plus d'aléas que le changement de la mention du sexe où une loi vient encadrer les critères et la procédure. Le changement du prénom peut être très facile dans les mairies où l'officier d'état civil ou le procureur de la République ne s'opposeront pas, ou bien être très compliqué voire impossible dans d'autres territoires car le changement du prénom est soumis à l'ancienne jurisprudence.

Il faut rappeler que la jurisprudence du changement du prénom avant la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle était presque aussi restrictive que la jurisprudence pour le changement de la mention du sexe (la stérilisation était moins systématiquement imposée).

Petit commentaire :
La simplification du changement de prénom en déplaçant la demande du tribunal de grande instance à l'officier d'état civil n'a pas été prévue pour les personnes trans. Il y a donc un grand risque que l'officier d'état civil renvoie systématiquement la demande devant le procureur. Cela a été prévu, principalement, pour les artistes ou les personnalités publiques.


Petit commentaire :
Déplacer la demande de changement du prénom devant l'officier d'état civil est idéologique est très bonne idée, mais tant que la demande n'est pas 100% déclarative (automatique avec un formulaire, sans jugement de quiconque), c'est dangereux, car il est difficile de former environ 36000 mairies, alors qu'il n'y a que environ 170 TGI qui sont généralement bien plus au fait du droit et des réformes législatives.


Voir la fiche pratique sur le changement d'état civil.